La construction biosourcée génère des crédits carbone

Source:
Fordaq JT
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BBCA attaque sur trois plans. Premièrement en lançant le salon de l'immobilier bas carbone, puis en lançant au MIPIM 23 une version européenne de son label BBCA, et enfin en rédigeant les base de ce qui par décret pourrait devenir une possibilité : construire en biosourcé et générer des crédits carbone.

Si le décret tombe ce sera une bombe, du moins sur le principe. On se prend à espérer que ces crédits combleraient le gap qui reste apparemment encore entre le prix de la construction biosourcée et la construction traditionnelle, de l'ordre de 10 à 15% entend-on. Actuellement, ce gap est maléfique car le marché du logement plonge au niveau de 2008. Les promoteurs de la FPI viennent au Forum Bois Construction de Lille non pas pour devenir vertueux mais pour trouver une solution. Et la solution que veut leur proposer l'UICB est la massification. Sauf qu'elle ne transparaît ni dans le programme, ni dans la réalité. Il n'y a pas de massification de la production en cours en France, tout juste des investissements mesurés parce que la conjoncture est bonne. Les carnets de commande sont en général remplis et cela permet enfin de faire tourner les machines de taille d'une façon rationnelle. Si le point de saturation était atteint, cela se saurait. Malgré des prix du bois d'oeuvre très bas, et pas forcément répercutés dans les appels d'offre, la construction biosourcée reste trop chère et pour ne pas retomber dans les vices de la décennie passée, et pour avancer enfin vers la massification, il faut ce coup de pouce supplémentaire du gouvernement, cependant risqué sur le plan juridique car on a déjà vu des décrets annulés par le passé. 

Dans ce contexte, on peut imaginer que ce décret ne changera pas fondamentalement la donne. Le crédit carbone sera calculé de façon mesurée et ne renversera pas le marché, tout au plus représentera-t-il ce petit coup de pouce pour payer un AMO. On peut aussi imaginer que toute l'énergie de la filière se concentrera pour demander un lien avec du bois français en faisant une nouvelle fois l'impasse sur le fait que de nombreuses entreprises françaises utilisent du bois de toutes provenances et que la question actuelle est apparemment le prix. Bref, avec la filière béton et la filière bois dans le dos, un tel décret ne déplacera pas les lignes. C'est un peu comme pour le Village olympique qui aurait pu être construit en bois et rien qu'en bois si cela avait été la volonté de la filière française - ce qui veut dire ouvrir le marché des fournitures et des matériaux à l'Europe. Peut-être qu'il a été bon de ne pas procéder ainsi et d'utiliser le chantier des JOP pour mettre à niveau les entreprises françaises. Mais la massification attendue par Epamarne notamment, n'a pas lieu. Les entreprises sont échaudées par la crise de 2015 et de toute façon, on a beau répéter le mantra du hors site sur tous les tons, pour des entreprises générales c'est une aberration de bloquer le capital dans les machines d'atelier. La construction n'est pas l'industrie.

Comment faire de la massification sans épicéas français ? Leur disparition a été maquillée mais elle est réelle, le mouvement climatique va à l'encontre de la massification, force à replanter en mosaïque, à réduire les coupes rases pour des questions de séquestration de carbone au sol et de continuité du couvert végétal, la tendance n'est absolument pas la massification mais l'élargissement de la construction à toutes les techniques locales et peu émissives. Il est vrai qu'en Allemagne on pense autrement, ces fanas de machines sont en train de prendre la voie de la robotisation de méga-usines de production de MOB. Et comme par le passé pour le BLC ou le CLT, de nous inonder ensuite de produits de déstockage. Tant qu'ils auront encore des sciages d'épicéa et de l'énergie pour la transformation. D'ailleurs, ça marche de plus belle depuis la fin du Covid, la France importe du bois d'oeuvre de partout en Europe. 

Le changement opéré en début d'année à la tête du CSF s'est fait en toute discrétion et sans formulation publique d'une stratégie décrivant une évolution par rapport au passé. Il y a tout de même la feuille de route, mais est-ce une stratégie ou un catalogue ? On a l'impression qu'il n'y a surtout une focalisation actuelle sur le fonctionnement interne. Ou une façon de faire le gros dos face à une opinion publique de plus en plus déchaînée. L'enquête menée actuellement sur la construction bois nationale pour l'année 2022, et présentée en juin prochain, laisse espérer de bonnes nouvelles car pour une fois, les planètes sont bien alignées. Mais la crise des logements pointe son nez pour tout le monde. Aujourd'hui, les carnets de commande sont plein. Demain, ce n'est pas sûr du tout. Quelle est l'erreur fondamentale qui a été faite il y a dix ans et qu'il ne faut surtout pas répéter ? Justement, on aimerait le savoir, mais pour cela, il faudrait que ce qui s'est passé autour de 2015 ait fait l'objet d'un débat, d'une analyse. Que l'on ose regarder en face le fait que la filière a perdu 10 ans et que la crise financière a bon dos. Demain, ce sera la guerre en Ukraine.

Où sont actuellement les forces vives ? A vrai dire, elles sont partout. Le point de vue dépressif du trop cher, bois venu d'ailleurs, faibles marges, éternel sous-traitant, toujours au bord du dépôt de bilan a vécu. Mais la génération climat n'est pas encore aux commandes. Il souffle indéniablement un vent biosourcé sur la construction. Un cocktail de réemploi, bois local, isolants naturels, terre. Il a même une forme légère de doctrine avec la frugalité. Cette effervescence est contagieuse. Elle est en marge de l'Ubérisation, elle est fertile mais fragile. Et surtout, elle est européenne.

L'orientation un peu prononcée du Forum Bois Construction 2023 vers "l'Europe biosourcée" est peut-être osée, mais elle suit une édition parisienne très "solutions mixtes", une édition 2022 sur la neutralité carbone. Il aurait fallu centrer l'édition de Lille sur l'énergie mais les projets qui sortent aujourd'hui ont été conçus sans s'en préoccuper, en fin de RT2012 avec le gaz de schiste inondant l'Europe. Et puis, ce n'est pas facile d'aborder la question de l'énergie dans un congrès tout de même historiquement centré sur les charpentiers. L'Europe du biosourcé, c'est vraiment la proposition de la France à l'Europe, c'est la force de la filière construction bois actuelle, sa fierté et son foisonnement. Sur ce plan, la France n'est plus le suiveur de la zone DACH. Les deux voire trois ministres qui assisteront au Forum de Lille l'on bien compris. 

Et on parle bien de l'Europe, quand on se rappelle que les panneaux de paille Stramentech ont été développés il y a dix ans dans l'Indre et ont disparu pour réapparaître dans les réseaux de négoce alternatifs, notamment sous le nom Stramit, mais de fabrication tchèque. Les solutions de solives acoustiques viennent de Granab en Suède et d'AMC au pays basque, la paille préfa enduite de Belgique, la paille hachée d'Autriche puis des Pays-Bas, le tourillonné de Suisse.

C'est vrai que la créativité autrichienne est affolante, avec leur Knapp, X-fix et compagnie, et que cela va de pair avec une véritable conquête du monde. Mais le côté francophone a aussi ses atouts avec Siniat, Evertree, tous les développements de la paille...

Dans le thème de l'Europe biosourcée du congrès, biosourcée est un terme mixte qui renvoie tout simplement au bois et aussi aux isolants biosourcés et suggère le géosourcé en complément. Mais le terme porteur est l'Europe ! Pas l'Europe institutionnelle qui semble ne rien comprendre à ce qui se passe sur le terrain, mais l'autre Europe, celle des citoyens. Celle qui ne se laisse pas monter les uns contre les autres. Celle qui ne perd pas le nord et n'oublie pas la situation climatique. 

 

 

 

 

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